16 septembre 2011

Première micro-revue (sous la direction d'Eliz Robert et de Catherine Cormier-Larose)


Montréal
par Éliz Robert


Le Mont Royal
du monde réel
la réelle cité
de réalité

Montréal
cette multicité
de diversité
de sites d’hiver
dont divers citent
la multiplicité

Montréal
un peu de réel
sur la peau

En cette cité des mots
les maudites sont citées
pour leurs idées

Et sur la montagne
royale
un peuple
aux pieds de colons


BACKLASH
par A. J. Thibeault


mercredi soir sorties de l'école
après une pratique de basket
avec les filles de mon équipe
on parle fort et on rigole
on a tellement hâte aux temps des Fêtes
on a mangé trop de bonbons sucrés
on a le crâne légèrement fêlé
on a des rêves multicolores
et encore une tonne de devoirs

collège privé pour filles only
on y apprend à être vocales
on se développe le cérébral
on est formé pour performer
d'ailleurs on score les meilleures moyennes générales
en général et dans mon cas en particulier

on a seize ans bientôt dix-sept
l'année prochaine à nous le Cégep
faudra choisir même par défaut
les sciences impures ou inhumaines
le but bien sûr c'est de viser haut
femmes de carrière wonder women


mercredi soir il faut rentrer
l'usine de pâtes et de papiers
crache son odeur de suçon vert
une âcreté qui gratte la gorge
comme une écharpe de laine de verre

dans l'abribus de la rue des Forges
le ciel est glauque l'air est humide
une nuit parfaite pour un carnage
une vision floue couleur suicide
un arrière-goût de mauvais présage

mercredi soir le 6 décembre
on a l'épine dorsale qui tremble
notre bulle vient juste d'éclater
notre équipage se démembre
à 22 heures le téléjournal
décrit l'horreur qui a frappé
l'université de Montréal

pendant qu'on courait
de ligne en ligne
dans notre gymnase
avec les filles
de mon équipe

un tueur fou
de classe en classe
tirait dans le front
des filles
de Polytechnique


onze douze treize quatorze
dans nos gorges
la douleur acidulée du sucre d'orge
le rouge sanguin se mêle
au vert de son sang froid
au gris de leur matière
au rose flash de leur enfer
au blanc de leur linceul
au noir du backlash et du deuil

les lendemains sont sans couleur
pour les filles de mon équipe
nos grandes gueules encore entr'ouvertes pleurent
nos esprits vifs sont en panique

une petite minute de silence
pour vingt minutes de hurlement
quatorze cervelles explosées
une éternité de bouches fermées

PIED-À-TERRE
par Ann Josée Thibeault


« Le bébé se présente par les pieds, madame. »

Pas capable de faire comme les autres.
De se placer dans le sens du monde.
De se glisser, doucement, tête première, dans l'existence.
De plonger, plein front, dans la lumière.
Pas moi.
Malmené, le pauvre ventre de ma mère.
Déchiré, le rideau rouge.
Défoncée, la porte sur le monde.

Je suis sorti pour tout de suite me tremper l’orteil dans le grand bassin de la vie.
Un bonhomme en blouse blanche a enroulé mes chevilles et... Spank me!
A giflé mes fesses.
Eh!
Je venais de lâcher le cri primal.

Vite, vite, nettoyage et séchage. De la tête aux pieds.
Vite, vite, impression et échantillonnage.
Nouveau bébé, nouvelle identité à estampiller.
Teinture noire dans l’encrier.
Pieds bien à plat. Empreintes piétinées sur un bout de papier pour les dossiers.
Cinq orteils de chaque côté, papa les aurait comptés s’il avait eu le droit d’assister à mon arrivée.
Me voilà bien emmailloté et promené d’une paire de bras à une autre.
Je suis délivré.
Petit pied de nez à la mort. Petit pied-à-terre dans la vie.

« C’est une fille, madame. »
Eh?
Les sourcils froncés de l’infirmière. Le visage en point d’interrogation de ma mère.
Une fille? Allongée, ouverte et essoufflée, ma génitrice est aussi surprise que moi d’entendre le fatidique verdict.
Des mois qu’elle s’adresse à moi comme si j’étais un garçon.
Une fille! Ma mère est envahie d'un grand Hallelujah.

Une fille.
Pas capable de faire comme les autres.
De naître garçon, comme il se doit. Pas capable d'attraper le bon chromosome pour devenir le fils prodigue, le futur monsieur quelqu’un, le docteur-ci, le maître-ça, la survie assurée d’un nom de famille.

Une fille. Eh bien, elle nous a joué tout un tour, cette échographie. Qu’est-ce que c’était que ce petit appendice à l’écran? Un doigt de déshonneur? Un pied de nez, encore une fois?

« Oui, oui, c'est bien une fille, il n’y a pas de doute. Regardez, là. Il n’y a rien. »

Effectivement, là, entre les deux jambes maigrelettes, il n’y a rien.
Pas de sexe visible, donc rien.

Eh. J’étais donc née.

PRINTEMPS QUATRE-VINGT-QUATORZE
par A. J. Thibeault


Il pleuvait fort sur mon avril quatre-vingt-quatorze
Un fleuve, deux mères et trois rivières serraient ma gorge
J’avais la vingtaine et une qui hurle
J’avais le tsunami dans l’âme, les larmes qui brûlent
C’est ainsi que j’ai choisi l’exil, sans le choisir
C’est ainsi que j’ai saisi l’instant, l’instinct de partir

Mal à mon spleen
Can’t hear my calling
Dérailler vers l’Ouest
Sweet motion sickness
Planter des arbres, servir aux tables
Le house keeping et le camping
Apprendre l’anglais, prendre l’air frais
Dérailler vers l’Ouest
Parce que les voyages forment la jeunesse

Dans mon backpack, le Rolling Stone Magazine
Grunge is not yet dead but oh I know it’s coming
Kurt Cobain has put a bullet in his head
Ma génération a le ventre plein mais le cœur faible
Sur un autre continent, on se massacre à la machette
Mais dans mon wagon-coach transcanadien, ça ne fait même pas les manchettes

Interminable Ontario : Ours to Discover
Un arrêt, gare centrale : la Fourche pendant une heure
Saskatchewan : des horizons sans fin
Surprise au pied des rocheuses : une autre belle province
Ce n’est pas la destination qui compte mais bien la journée
Et comme Smashing Pumkins le chante, Today is the greatest day


Il ventait fort sur mon printemps quatre-vingt-quatorze
Balayé mon chagrin d’amant, envolée la peur dans ma gorge
J’avais la vingtaine et une qui hurle
J’avais la vie devant moi, moi devant la solitude
Voilà comment j’ai choisi l’exil, sans le deviner
Voilà comment j’ai senti l’instinct, l’instant de rester



A Midlife Crisis Of The Olfactory Kind
by Regie Cabico


When I was five, I smelled like a pile of hearts
being poured into a tin man.

My ex-boyfriend smells like salmon and vitamins.
His boyfriend smells like kitty litter.
Together they smell like an animal rescue.

My ex-boyfriend told me that my crotch
smelled like Bea Arthur's dentures. Bea Arthur
in The Golden Girls or Bea Arthur in Futurama?
My most recent fling happened in a bar
that smelled like Neverland.
The Fling smelled like a leotard with holes.
The Fling showed me his penis on his i-phone.

I know technology means you get things right away
but that's just too immediate.

I ran into the mens room and photographed my penis.
I came out and showed him my penis on the cell phone
and he pulled out his i-phone

and we were rubbing our cell phones together.
It smelled like a new kind of safe sex.

It smelled like AOL dial up internet... It smelled
like passenger pigeons flying South... No, it smelled
like smoke signals fading into a bitch slap of thunder...
It smelled like the shake weight...

I recently had sex with a 20 year old
so that makes me a cougar. A gay cougar.
No, a jaguar. Better yet, a faguar.

Faguars smells like deep fried twinkies
and Demi Moore's dildo.

I want to wash the scent of my Muse. He lives
in San Francisco and when he has sex with his boyfriend
they smell like a box of Dunkin Doughnut munchkins.

I just want to fall in a Merchant Ivory still,
roll with a stable boy
till we smell like sweet hay...

When I went back to The Neverland Bar,
a hobbit offered to suck my dick.

I turned around and said, "That is the nicest thing
anyone has ever said to me!" His offer smelled
a thousand pokes on Facebook
and an episode of Extreme Home Makeover

I explained to him, I don't want a boyfriend.
I just want to have sex with a guy on a regular basis
whose name I know.

That smells like getting rid of Republicans
one blow job at a time.


なに かわ ですか?
(Nani kawa desuka?)
by Tara Dawn


My Japanese mother, she told me about this tradition
That people are linked by a string when they have a connection
The string that’s strung is the colour of the bond
She has red with her husband and blue with her son
She said ours was yellow and if I drift away
Along the sea to a faraway place
That cord will run as far as I go
It won’t break if I twist and float
It always was and always is
Japanese people are linked like this
なになになになになに かわ ですか?
(Nani nani nani nani nani kawa desuka?)
Wake up girl, it’s time to start running
Can’t you feel, the big wave is coming
It’s lapping up, it’s creeping up, building flow
It’ll suck you in with the cars and boats
And if it catches you, sips you down
You’ll be tossed forever in Umi Sound

なになになになになに かわ ですか?
(Nani nani nani nani nani kawa desuka?)
Sea surrounding you, licking at your lips
Sea around you with it’s airtight grip
Sea inside you as you glurp and gasp
Sea will hold you in it’s lilting grasp
Back into earth through water not fire
Back into earth through water not fire
Back into earth through water not fire
Between us runs the string that’s still alive
なになになになになに かわ ですか?
(Nani nani nani nani nani kawa desuka?)
They had promised the reactors would be okay
But Mother Earth she shook with another quake and said,
“You won’t mould me, nor do you behold me
Please don’t ever try to scold me
For fluttering my eyelids when I’m in the mood
Or shaking my hips when it’s my time to groove
My moves are older than your setting sun
Please don’t think I can be overrun
You’ve built cities on my ribs, dripped oil down my thighs
Tore the minerals from my belly, built my bones towards the sky
As rock skyscrapers that crumble and shake
I tremble when I breathe and you call it ‘earthquake’
You’ve not stayed in tune with the song I’ve sung
Now, I intend to dance nuclear reactors undone.”
Back into earth through water not fire
Back into earth through water not fire
Back into earth through water not fire
Between us runs the string that’s still alive
私たちの かわ です。
(Watashitachino kawa desu.)
いっしょに いきます。
(Isshoni ikimasu.)

(Sans titre)
par June


Mais qu’est-ce qui se passe, les problèmes s’entassent.
Notre espace se casse, ça m’dépasse, les dirigeants ramassent les As.
Si tu ne fais plus l’affaire le propriétaire t’kick le derrière.
Tes troubles monétaires, ta misère,
ton frigidaire ce n’est pas de ses affaires.
Double les loyers, Certains gardent le même salaire.
Oyé ! Oyé ! On te fait sentir qu’être pauvre c’est de ta faute ça l’air.
Cette société guide vers l’étourdissement cupide,
T’intimide. Besoin de guides solides.
D’un minimum d’exemple pour les kids.
Avant l’adolescence ça pense au suicide tranquillement.
Perçoit une porte d’errance dans le vide, et tant qu’il ment
Jouvenceau ne sait plus vraiment comment vivre pleinement.
Aimant trop s’accrocher aux ornements comme un aimant et c’est fréquent.
Le feu faut qu’on l’éteigne. Les populations s’plaignent.
Car le progrès produit profusion de profits et si on s’renseigne.
On réalise que la peur immobilise les employés qui se martyrisent pour le confort d’une entreprise.
L’injustice règne en partie à cause des banques.
Au service de dingues qui créent volontairement des manques.
Des crises économiques, des guerres politiques.
Bombes atomiques, le côté sombre du fric.
Rend des gens complètement frick.
Où est l’amour ? C’est la honte.
Confonds pas ceux que t’affrontes,
Garde à ce qu’ils te font, c’qui te racontent,
C’est fou ce que chaque jour nous montre.
J’ai l’impression qu’on tourne en rond comme le pignon d’une montre.
Question de pognon de réputation depuis l’embryon on nous dompte.
Rien à voir avec la version de Cendrillon.
Tous veulent avoir du pouvoir et une portion de Cent million.
Ici, si tu as presque tout, tu voix s’que t’as pas.
Ainsi on nous déjoue, bijoux, joujou comme appât.
Sur panneaux publicitaires. Panoplie d’commanditaires.
Incitent à la surconsommation pour les satisfaire.
Tandis que des boutchous mâchent des tartes pleines de boue,
juste assez d’énergie dans le corps et l’esprit pour tenir debout.
On traverse une vie d’averses, pleine d’obstacles.
Les moments qui nous bouleversent, nous bercent dans la controverse.
Qu’importe ton signe zodiaque
Que tu sois blanc ou que tu sois black,
l’impact mute en maladie.
La lutte contre c’que le mal a dit.
Viens voir, c’est bel et bien l’endroit où j’ai grandi,
Loin de Gandhi, faut savoir qu’il fait froid, bondé de bandits.
C’est à croire que certains prennent en proie celui qui mendie,
laisse au désespoir plus rien, un manque de foi qu’est-ce que tu en dis ?

************************************

Ces micro-revues originent de textes entendus et performés aux Cabarets Noches de Poesia dans le cadre du Fringe à Montréal en juin 2011.

Voici les bios des artistes, artistes qui proviennent de toute l'Amérique du Nord!

Bios


Regie Cabico is a poet and spoken word pioneer, having won the Nuyorican Poets Café Grand Slam in 1993 and taking top prizes in the 1993, 1994 & 1997 National Poetry Slams. Television appearances include two seasons on HBO’s Def Poetry Jam. His work appears in over 30 anthologies including Aloud: Voices from the Nuyorican Poets Café, Spoken Word Revolution & The Outlaw Bible of American Poetry. He co-edited Poetry Nation,: A North American Anthology of Fusion Poetry and guest editor for Beltway Poetry Quarterly. He is a recipient of a 2008 Future Aesthetics Arts Award Regrant from The Ford Foundation/Hip Hop Theater Festival, three New York Foundation for the Arts Fellowships for Poetry and Multidisciplinary Performance, The Larry Neal Awards for Poetry 2007 (3rd Place) and 2008 (1st Place), a 2008 DC Commission for the Arts Poetry Fellowship. He received the 2006 Writers for Writers Award from Poets & Writers for his work teaching at-risk youth at Bellevue Hospital in New York. He is a former Artist In Residence at NYU's Asian Pacific American Studies Program and has served as faculty at Banff's Spoken Word Program and Kundiman. As a theater artist he has directed two plays for the 2007 & 2008 Hip Hop Theater Festival,Elegies In The Key Of Funk and The Other Side. He received three New York Innovative Theater Award Nominations for his work in Too Much Light Makes The Baby Go Blind with a win for Best Performance Art Production The Kenyon Review recently named Regie Cabico the "Lady Gaga of Poetry" and he has been listed in BUST magazine's 100 Men We Love. His plays have been produced at the 2003 Humana Theater Festival (as part of RHYTHMICITY with UniVerses, Reg E. Gaines, Willie Perdomo & Rha Goddess, 2004 Kennedy Center Play Lab, Joe’s Pub The Public Theater Festival, The Asian American Theater Festival, Living Word Festival, San Francisco. The Kitchen, Dixon Place, LaMama, The Philadelphia Fringe Festival, The New York Fringe Festival, Theater Offensive, among other venues. He received three New York Innovative Theater Award nominations for his work in the New York Production of Too Much Light Makes the Baby Go Blind with a 2006 award for Best Performance Art Production. His latest solo play Unbuckled was developed with grants from National Performance Network and Mid-Atlantic Arts Foundation. He has been longtime curator of Composers Collaborative’s Non Sequitur Series presented at Lincoln Center, Here Theater & The Flea Theater. He has been 2006 artist in residence for New York University’s Asian American Studies Program & 2009 artist in residence at Deanza College. He is the Youth Program Coordinator for Split this Rock Poetry Festival and is he artistic director of Sol & Soul, an arts and activist organization. He is the co-founder of SULU DC, a monthly Asian American Performance Series and is the co-director of CAPTURING FIRE: A QUEER SPOKEN WORD SUMMIT.He is pleased to be part of BANFF's 2011 Spoken Word Faculty.

Tara Dawn has been commissioned to create original poetry and music for CBC Radio, dance shows, music festivals and the MacKenzie Art Gallery. She spent five years in Japan where she sang with and wrote for bands and worked with a hip hop collective. Tara’s original poetry and music draw on blues and jazz from the 1920-30's and early rock’n’roll. More info at www.taradawn.ca


Avril 2009, MC JUNE fait un prêt, quitte son emploi et décide de démarrer son entreprise. Il enregistre 5 chansons et fait imprimer 1000 copies d'un maxi qu’il donnera un peu partout en Province. Cet artiste de la relève, engagé, a donné à ce jour plus 150 ateliers slam dans les écoles, centres jeunesses et les bibliothèques en plus d’une centaine de performances scéniques. Membre du collectif Kalmunity et grand gagnant du Throw Poetry Collective saison 2010-2011 , MC JUNE lance son tout premier album complet en septembre 2011. Après 12 ans d’écriture, contenant 14 chansons, ce chef d’oeuvre a pour titre Le reflet. Site internet www.junerep.com

Éliz Robert is a poet, a literary translator, a producer and a publisher who loves to mix sounds and vowels of various origins.
She writes and performs in French, English and Spanish, sometimes acapella and other times with musicians and singers. Her voice has been heard at quite a few Noches de poesía, on radio airwaves across the iberoamericas and on a few tv shows as well. She is a graduate of the Banff Centre Spoken Word Residency 2010 and has performed at Festival Voix d'Amérique, Calgary International Spoken Word Festival, Bowery Poetry Club, and various poetry cafes in Europe, Canada and New York City.

Depuis une dizaine d'années, à Edmonton en Alberta, Ann Josée Thibeault écrit, joue et met en scène: pièces de théâtre, contes urbains, chansons, chroniques et humour. Grâce à son alter ego, La petite Lulu, Ann Josée a trouvé la voix de la poésie et présente ainsi sur scène ses textes de spoken word et de slam.

Author, director and actor Ann Josée Thibeault has recently found a new voice in her alter ego, la petite Lulu. Delivering slam and spoken word on stage, she creates a tongue in cheek world where the French language plays tongue twisting games with l'anglais. One thing is for sure, la petite Lulu is never tongue-tied.